dimanche 11 avril 2010

"Déstabiliser la personnalité des dissidents : les Zersetzungsmassnahmen de la Stasi "


D'autres mesures pouvaient être plus raffinées encore, celles du cambriolage qui ne laisse pas de traces : un premier cambriolage sans effraction, portait, par exemple, sur des objets intimes comme les gants de toilette ; un deuxième, trois mois plus tard, sur les torchons à imprimé écossais ; un troisième, sur des taies d'oreiller. Un quatrième cambriolage aurait été, selon la Stasi, inutile, la personnalité des occupants de l'appartement cambriolé ayant été atteinte au point de les rendre totalement inoffensifs : ne sachant d'où viennent les coups, passant pour fou auprès de son entourage, le couple ainsi visé dans la part la plus intime de son intimité, l'intimité corporelle, serait bel et bien devenu paranoïaque, but de la Stasi. 

En quarante ans, l'officier de la Stasi a, lui aussi, évolué. Il ne pouvait se contenter d'être seulement brutal. Dès lors que la violence devait perdre de sa visibilité et que les sanctions « douces » (mises à l'écart, mises au placard, harcèlement administratif, etc.) s'étaient substituées à la répression classique, il lui fallait perfectionner ses méthodes, devenir plus discret et plus efficace à la fois. En 1951 avait été créée, à Potsdam-Eiche, la « juristische Hochschule », école supérieure de droit. Sous ce nom anodin se cachait l'école des cadres de la Stasi. En 1965, cette dernière deviendra ni plus ni moins et tout aussi officiellement « établissement universitaire » et, en 1968, on introduira des cours de psychologie (dite « marxiste-léniniste ») pour apprendre « la psyché de l'ennemi ». L'enseignement devient pluridisciplinaire, on y enseigne la sociologie et la communication de masse, les techniques d'influence, on y apprend à évaluer les personnalités (pratique de tests), à conduire des entretiens, et aussi ces fameuses Zersetzungsmassnahmen, ou mesures visant à déstabiliser/détruire la personnalité. 

Au nombre de ces mesures, les rumeurs que l'on fait courir sur le dissident selon lesquelles, par exemple, il serait un informateur de la Stasi, provoquant ainsi sans explication son isolement et sa mise à l'écart par son entourage ; ou encore, sur des pratiques sexuelles particulières ; ou enfin, dans le milieu universitaire, la rumeur, très efficace, qui se chuchote de bouche à oreilles et se répand avec une facilité inquiétante, concernant une « baisse de niveau » de l'intellectuel dont les idées critiques seraient parvenues à la Stasi, ou bien qui aurait été dénoncé comme esprit critique par l'un de ses collègues pour de simples raisons de rivalité. 

D'autres mesures pouvaient être plus raffinées encore, celles du cambriolage qui ne laisse pas de traces : un premier cambriolage sans effraction, portait, par exemple, sur des objets intimes comme les gants de toilette ; un deuxième, trois mois plus tard, sur les torchons à imprimé écossais ; un troisième, sur des taies d'oreiller. Un quatrième cambriolage aurait été, selon la Stasi, inutile, la personnalité des occupants de l'appartement cambriolé ayant été atteinte au point de les rendre totalement inoffensifs : ne sachant d'où viennent les coups, passant pour fou auprès de son entourage, le couple ainsi visé dans la part la plus intime de son intimité, l'intimité corporelle, serait bel et bien devenu paranoïaque, but de la Stasi. Variante « douce » de la psychiatrisation des dissidents en URSS, les Zersetzungsmassnahmen correspondent à la forme la plus achevée de l'oeuvre criminelle de la Stasi.( ... )

conflits.revues.org

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